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Ancre 1 Souvenirs, souvenirs...

1 – Souvenirs, souvenirs...

De l'influence de l'art sur les rêves d'enfant.

Je contemple l'écran de mon smartphone relayant des reproductions d'œuvres d'un peintre qui ont souvent renforcé mes rêves de petite fille : Edgar Degas. Ma jolie moquette bleu nuit étoilée lui sert de cadre. Edgar Degas qui, au début des années 1860, peignit des scènes de la vie moderne :  les courses de chevaux, le théâtre, le ballet… Ah, les danseuses, ces petits rats de l'opéra … Je voulais tellement faire partie de ce corps de métier… Ma mère m'y aida, envers et contre tout, mais lorsque le verdict tomba (j'étais de trop petite taille !), la réalité détruisit le rêve ! 

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Je repasse en boucle l'étendue infinie de ces rêveries inachevées, de ces espoirs déçus, de ces bouleversements nocifs, de ces cycles perpétuels reproduisant inlassablement les mêmes échecs, les errances sans fin. C'est trop. C'est épuisant et tellement vain. J'ai fini par comprendre qu'il me fallait interrompre cette roue infernale et que, pour y parvenir,  la solution ne se révélerait qu'en moi. Comme l'avait écrit Edgar Degas, il me fallait me glisser « dans le trou de la serrure » pour y parvenir. 

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Alors je tente le tout pour le tout. Je vais repérer la faille dans laquelle il me faudra prospecter pour atteindre la vérité de mon âme, celle de cet enfant intérieur qui s'est laissé malmener et entrainer, bien malgré lui, vers des territoires trop sombres avides d'attenter à sa sécurité et à son bonheur de vivre.

 

J'ai décidé de me faire aider. Je vais me consacrer aux exercices prescrits par une douce et éclairée thérapeute, destinés à m’aider à me libérer des traumatismes du passé qui ont nui et nuisent toujours à mon équilibre personnel.

 

Rendez-vous là où tout se joue.

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Ancre 2 Les peluches

2 – Les peluches

 

De la puissance d'un exercice thérapeutique.

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« Je vais vous demander de faire un exercice. Avez-vous une poupée, ou une peluche, qui représenterait pour vous l’enfant que vous étiez ?

— Des peluches, oui, j’en ai un certain nombre.

— Alors, choisissez-en une et parlez-lui chaque jour, pendant un mois ; dites-lui ce que, selon vous, vous auriez aimé entendre lorsque vous étiez petite ; octroyez-lui les attentions dont elle aurait souhaité être entourée, par exemple : prenez-la dans vos bras, serrez la fort contre votre cœur…

— … ce serait comme … comme devenir la mère de moi-même ?

— Oui. Si les émotions sont fortes, laissez-vous aller à pleurer, c’est important de pleurer.

— Quelle belle aventure vous me proposez là, je peux l’écrire ?

— Oui, écrire est thérapeutique.

— Ce sera compliqué.

— Tant mieux, Les personnes qui me déclarent que ce sera facile, je n’y crois pas ; c’est bon signe, je ressens votre sincérité, de la lumière au fond de vous. »

 

Ces quelques bribes de conversations concluant une séance intense de psychothérapie résonnent fortement en mon esprit. L’expérience me séduit. Entrer dans le vif du sujet pour en finir à jamais avec les errances, les situations émotionnellement néfastes générées par des traumatismes répétitifs. Espoir insensé de dévier un destin que mes ancêtres, ma famille directe, et moi-même ont peut-être inconsciemment provoqué, programmé. Je me laisse tenter.

 

Mes peluches !

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J’observe ces petits êtres inanimés aux grands yeux noirs et ronds où l’on peut contempler des univers infinis.

Des jouets ?

À mon âge, ce ne sont plus des jouets.

Je ne m’amuse plus avec ces succédanés d’humains depuis longtemps.

Ma dernière poupée, récupérée par ma mère au fond d’une malle, rescapée de multiples déménagements, a fini au fond d’une poubelle. Lorsqu’elle m'a, en quelque sorte, confié cette relique, les yeux tristes, comme si elle me disait : « tu es toujours ma gentille petite fille », j’ai regardé longtemps cette chose dépourvue d’âme, asexuée, aux yeux peints en bleu dépourvus du moindre rayonnement, hagards à l’abri de faux-cils synthétiques se fermant automatiquement à chaque fois que je remuais cet étrange objet.

J’avais pourtant dû projeter tant de scenarii de vies passées, actuelles et futures sur cette poupée dont j’avais oublié le nom. Elle portait une robe en broderie anglaise, manifestement confectionnée maison. Je ne savais plus par qui. J’ai ôté cette robe. Dénudée, la poupée était encore plus laide. Un haut le cœur m’a bouleversée. Je l’ai rhabillée et déposée dans la benne à ordures ménagères de l’angle de ma rue.

Je signais la fin d’un pacte raté.

J’enterrais une histoire aux trois-quarts étouffée, censurée, et repliée dans un coin inaccessible de mon cerveau.

 

Mes peluches …

C’est différent. 

Avant notre rencontre, elles étaient les têtes d’affiche des stands bigarrés des forains où elles faisaient briller de convoitise les yeux des enfants émerveillés. Et puis, un jour, un jeton, un tir à la carabine, et la première d'entre elles est venue se nicher entre mes bras. Puis, ce jeu a recommencé sept fois, à chaque fête foraine .

Et maintenant, sept d’entre elles sont toujours là, bien sages, à m‘observer aller et venir quotidiennement. Je n’aimerais pas en être séparée.

Je les contemple :

Un tigre blanc à la fourrure marbrée de rayures noires, un lion, plus petit, mais arborant fièrement sa tête royale, un chameau souriant, un singe aux yeux philosophes, un énorme lapin au nez rose et aux grandes oreilles flottant allégrement au moindre souffle de vent, un mignon petit chien à la truffe noire et au regard profond et un énorme ours blanc aux oreilles ourlées de rouge. un cœur rouge collé sur la poitrine. Ces boules de poils entourent un tout petit ours blanc, comme si elles voulaient le protéger des acidités du monde ; cet ourson immaculé était la peluche préférée d’une jeune fille décédée à dix-sept ans. Son frère l’a dérobé dans son cercueil juste avant qu’on ne le referme et me l’a offert, en ultime cadeau, en témoignage inoubliable d’un drame absolu. Elle demeure là, au-milieu des autres peluches, à l’abri pour l’éternité, me rappelant sans ménagement qu’il convient de demander éternellement pardon à son innocente propriétaire, victime de l'inconscience familiale.

 

Je dois donc choisir, parmi toutes ces beautés artificielles, celle qui représentera mon enfant intérieur, perdu au plus profond de mon inconscient, quasiment oublié, cette influence invisible, devenue pernicieuse parce que pervertie ; je dois la retrouver, l’écouter, la comprendre, la reconquérir, la guérir,  et la rehausser à sa juste place.

 

J’écarte les peluches avec lesquelles je ne saurai pas m’identifier :

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- les animaux exotiques, aptes à évoquer mes voyages vécus ou encore à vivre, dans mon existence d’adulte,

- le lapin, un être si joli et si timide, dont les humains raffolent et se délectent de sa chair délicieuse, accommodée avec des olives. J’en mange aussi, mais de moins en moins souvent. C’est un conflit intérieur que je ne sais pas gérer,

- le petit ourson blanc qui ne m'appartient pas, je ne dois pas me l’approprier.

 

Restent le gros ours blanc et le petit chien brun.

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J’aime ce petit chien dont le regard noir si intense me trouble et évoque tous ces animaux familiers que j'ai adorés avant qu'ils ne m'infligent leur disparition d’une manière ou d’une autre. Ils ont toujours été importants : des chats, des chiens, des chevaux, tels des petits anges qui m’ont hélas faite pleurer mais m’ont surtout nantie d’intenses joies.

 

Je prends ma décision : ce petit chien sera le compagnon de la peluche qui deviendra mon alter ego enfantin : l’ours blanc.

L’ours.

Une ourse plutôt.

L’oursonne.

J'agrafe un papillon sur son cœur, est-ce le début d'un envol ?

L’oursonne et son chien, sa chienne plutôt.

Je leur offre une place de choix, un peu à l’écart des autres peluches.

Elles se regardent, me regardent.

Un trio est né.

L’aventure va commencer.

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3 – Les trois premiers jours

 

Début de l'expérience thérapeutique.

 

Je suis terriblement intimidée.

L’oursonne me fixe, impassible, sans baisser ou détourner le regard. Elle m'observe intensément, c’est tout. Muette. J’aimerais qu’elle émette quelques sons, comme un chat feulant de contentement. C’est impossible, je le sais, mais j’ai l’intuition que peut-être un jour, elle me prendra tellement en considération que sa voix intérieure parviendra à mes oreilles attentives.

 

L’expérience est délicate.

Par quoi commencer ?

M’imaginer être cette oursonne lorsque j'étais enfant ?

Imaginer que ma mère était une ourse blanche attentive à aimer et à protéger ses oursons ? 

Etrange pari à tenir !

Je ne me souviens même pas avoir possédé un ours en peluche lorsque j’étais enfant ! Je n’ai jamais eu affaire à de vrais ours, seulement à des images, sans doute dans un zoo, un cirque, mais j’ai oublié. Peut-être ce cirque où mon père m’avait emmenée, un jour ? Je me souviens de ma main serrée dans la sienne, traduisant mon émotion causée par la découverte du monde animal.  Un doux souvenir, une parenthèse positive parmi la sévérité ambiante.

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J’observe l’oursonne, je caresse sa tête douce et soyeuse, puis la prend dans mes bras et la serre très fort et je murmure à son oreille bordée de rouge : « Mon enfant, je t’aime, oh si tu savais à quel point je t’aime ! »

 

Le lendemain, j’ai dit à l’oursonne : « bonjour, as-tu bien dormi, as-tu fais de beaux rêves ? Tu sais, il faut me croire, je suis là pour toi, tu ne dois pas avoir peur, je te protégerai toujours, je ne te trahirai jamais. Il faut être courageux dans la vie, apprends le courage. Il est prudent également d'apprendre à te méfier. Les humains ne sont pas toujours ceux que l’on croit qu’ils sont ou que l’on voudrait qu’ils soient. Mais n’aie pas peur surtout, avec moi à tes côtés, il ne t’arrivera rien. »

 

Le surlendemain, j’ai dit à l’oursonne : « vas-tu bien ? N'as-tu pas froid, pas faim ? Reste près du chien, c’est ton gardien, il assurera ta sécurité et vous pourrez vous amuser. Il faut rire, jouer, courir après les papillons, sentir l’eau fraiche du ruisseau couler entre tes chevilles. » Je me souviens alors de ce ruisseau où j’aimais tant jouer, enfant, surveiller les poissons filer entre les pierres lisses, écouter les grenouilles coasser tout autour. L'eau tourbillonnante de cette bucolique petite rivière stimulait mon imagination et mes rêves de pays merveilleux.

 

Le troisième jour, j’ai dit à l’oursonne : « je suis ta maman, me reconnais-tu ? »

Je ne me souviens pas beaucoup de ma maman à cette époque ; l'amnésie m'a privée de la vérité de mon histoire, en ces temps anciens.

J'ai insisté auprès de l'oursonne ; «Oursonne, je te parle en ce moment comme j’aurais aimé que ta maman te parle. »

C’est le but du jeu. Cet échange se passait-il ainsi ? Je ne sais pas. Un souvenir se réactive en te regardant toute blanche et rouge, assise dans ce joli fauteuil, ton chien serré contre toi … J’étais moi aussi assise, mais sur une chaise de bébé, une chaussette enfilée, l’autre non, j’attendais patiemment que ma mère ait le temps de venir enfiler l’autre ; cela durait, durait, instants interminables où je devais me sentir horriblement délaissée. Je me taisais, il parait que j’étais très sage.

 

Oursonne, il faut que je te donne un prénom.

Je n’aimais pas le mien, ma mère non plus, parce qu’il avait été choisi par mon père et son père, ce grand-père dont je ne me souviens pas puisque je n’avais qu’un an quand il est mort, une personne dure, autoritaire, intransigeante, m’a-t-on dit. J’ai changé de prénom à ma majorité. Identité mal assumée, et s’il en fallait encore une troisième pour aborder la vérité et te faire renaître à la vraie vie. Comment t’appeler, oursonne ?

 

Ce sera Eléonore.

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Ancre 3 premiers jours
Ancre 3 Les 3 premiers jours
Ancre 5
Ancre 4 Eleonore

4 – Pourquoi ce prénom : Éléonore ?

 

Premières intuitions, premiers doutes.

 

L’oursonne m’a répondu.

Enfin presque !

Ses grands yeux noirs de jais m’ont projetée en ces instants privilégiés de ma petite enfance où, avant de m’endormir, je m’inventais des histoires toutes plus extraordinaires les unes que les autres. Je devenais l’héroïne d’aventures passionnées et tumultueuses : des chevaliers accouraient, sur leurs fiers destriers, à bride abattue, pour me délivrer de situations à haut risque dont j’étais l’infortunée prisonnière ; je me prénommais Éléonore.

 

Je me souviens de cette anecdote seulement aujourd’hui ! La réminiscence de ce beau petit nom me localisant au cœur d’un mythique moyen-âge vient de s’imposer en mon esprit, telle une feuille d’automne, délicatement détachée de sa branche, voletant et se posant dans la paume de ma main.

 

En me connectant à Éléonore, l’oursonne, c’est donc bien à cette petite fille restée à l’abri, depuis toujours, au fin fond de mon être, silencieuse mais active quant à son influence secrète, que je m’adresse. J’en suis certaine.

 

Alors je me questionne… Pourquoi m’étais-je attribué ce prénom ?

 

J’ai cherché, fouillé les ressources du web, ce n’était pas probant.

Et puis…

Et puis…

Le processus de synchronicité qui me guide souvent est venu à mon secours ; j’ai reçu avec le plus grand intérêt ces informations surgies de tous côtés ; selon ce à quoi nous croyons, nous les considérons comme des coïncidences ou des signes du destin. Il ne m’a pas fallu longtemps pour m’approprier une réponse incroyable, totalement improbable, une évidence pourtant.

 

Éléonore… Ce terme aux nobles sonorités ne provenait pas d’un personnage peuplant l’un de ces jolis romans que je lisais à l’époque, issus de leurs bibliothèques roses ou vertes, réservés aux enfants, pour leur bien pensait-on, et pourtant… matière à réflexion ! Non, ce prénom ne provenait pas de mes lectures, ni de choses vues ou entendues. Éléonore était le prénom d’une princesse de Provence, une des quatre filles de Raimond-Bérenger V, comte de Forcalquier et de Béatrice de Savoie.

Éléonore de Provence !

Sacrée reine de France puis reine d’Angleterre en 1236 !

Née en 1223 à Aix-en-Provence, et ayant vécu, entre autres, dans la région de Forcalquier, sur ces territoires aujourd’hui décors de ma vie quotidienne.

Les premiers documents étudiés me révèlent tout un monde où gravitent des personnages de l’entourage d’Éléonore de Provence porteurs de prénoms ou de noms semblables à ceux de mes contemporains. Des traits de caractères, des événements, des destinées, proches des miens, toutes proportions gardées.

C’est troublant !

Mon imagination est-elle trop fertile et me leurre-t-elle en cherchant à me faire croire que, huit cents ans plus tôt, j’étais cette reine, ou du moins, plus humblement, son amie, sa servante ?

Pure folie !

Et pourtant, si c’était vrai ?

Les indices ne cessent de me conforter dans cette interprétation.

Mon âme aurait-elle été blessée en ces temps si reculés ? Aurait-elle tenté, génération après génération, de se guérir ? Prise au piège des cycles infernaux de mort-renaissance, n’aurait-elle su que répéter des schémas de vie similaires ? Et actuellement, aurait-elle enfin trouvé le lieu et les personnes privilégiés pour que les prises de conscience et les évolutions puissent s’accomplir ?

Sans délaisser les exercices et les recherches proposés dans le cadre de ma thérapie, Je dois poursuivre mes investigations, mener mon enquête.

 

Petite oursonne, où la vérité se dissimule-t-elle ?

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Ancre 5 la fuite

5 – La fuite

 

Des conséquences d'une amnésie post-traumatique.

 

Ce matin, comme d’habitude, je souris à Eléonore, mon oursonne, et je caresse le museau du petit chien brun, son gardien ; je m’assieds et installe l’ourse blanche sur mes genoux, tendrement, la cajole affectueusement, et murmure dans le creux duveteux de son oreille ourlée de rouge :

 « Ma chère petite fille, amour de ma vie, je dois te faire un aveu…  C’est difficile…  Je ne désirais pas ta venue au monde… Tu es née… Comment dire… Par la force des choses.»

Tu restes silencieuse, tu ne réagis pas.

Est-ce que tu m’entends et saisis mes propos ? 

Peut-être réfléchis-tu ?

Écoute-moi bien, c’est important.

Tu vas traverser des épreuves, c’est inévitable, il te faudra être forte, tu en ressortiras lasse et désabusée mais tu sauras tirer des leçons de ces mauvaises expériences. Je lis cette bravoure, ancrée en toi. Elle t’incitera à combattre l’infortune avec acharnement et à reprendre les rênes de ta destinée en main.

Et… ?

Tu sembles rêveuse.

Á quoi penses-tu ?

Oh… à ta vie actuelle, n’est-ce pas ?

C’est bien légitime.

Tu te demandes pourquoi ton papa, mon mari, n’est pas aussi câlin que moi ?

Vois-tu, les hommes, c’est différent. Certains n’expriment pas leur amour de manière aussi démonstrative que les femmes. Cela ne signifie pas qu’ils se désintéressent de nous.

Ne te fixe pas sur le comportement distant de ton papa.

Surtout, aie confiance en toi, toujours, même si on cherche à te prouver que tu n’es pas comme si pas comme ça. Si tu souffres parce que l’on te blesse, t’abandonne, te trahit, pense à cette phrase bien connue issue de la Bible :

« Pardonne leur car ils ne savent pas ce qu’ils font ».  

Exhume la puissance couvant au fond de toi, semblable au magma guettant son heure dans les profondeurs d’un impétueux volcan, elle est réelle, et te protègera. »

 

Ma gentille oursonne, tu as éveillé en moi ce besoin d’analyser la nature réelle et non fantasmée de ma relation à mon père, à cet homme que j’ai fini par rayer de ma vie, consciemment du moins.

 Que s’est-il réellement passé pendant mon enfance pour en arriver à ce point de non-retour ? Ai-je enkysté dans les tréfonds de mon âme des événements traumatiques dont je paie aujourd’hui encore les conséquences ? Ma thérapeute ma vivement encouragée à les laisser resurgir au grand jour, notamment en me posant une série de questions intimes auxquelles il me faut répondre par écrit. Mes réponses lui permettront d’évaluer comment des épreuves, des émotions, des sensations, ont engendré diverses souffrances, de les mettre en lumière afin m’aider à les transcender.

 

Je joue le jeu.

Je réfléchis… longuement.

Cette incursion hasardeuse dans les zones obscures de mon cerveau est redoutable, je ne dois pas avoir peur, je dois oser.

J’écris.

​

Un premier bouleversement me revient à l’esprit, longtemps gommé, revenu un jour me hanter, plus tard, de manière parcellaire. J’avais environ quinze ans. Mes parents se débattaient dans les errances pernicieuses de leur instance de divorce. Mon père avait obtenu un droit de visite régulier. Je me souviens de mon anxiété lorsque le moment fut venu de lui rendre visite pour la première fois. Je devais le rejoindre, seule, sans ma mère. J’ai oublié ce que fut mon séjour auprès de lui, totalement.

Pourquoi ?

Amnésie post-traumatique, diagnostiquera-t-on plus tard lors de ma traversée d’une période dépressive ! 

Une scène d’adieu bouleversante est restée imprimée en mon cœur.

Elle a eu lieu le matin où je devais retourner chez ma mère. Mon père est entré dans cette chambrette où j’avais dormi ; j’étais assise sur le lit, dans l’attente, impatiente de partir. Il s’est penché sur moi, m’a serrée contre lui, très fort, a voulu m’embrasser. Une indescriptible terreur s’est emparée de moi ! Je l’ai repoussé farouchement et me suis enfuie en courant à perdre haleine jusqu’à la gare ou ma place était réservée dans ce train qui me rendrait à ma mère ; sensation atroce de fuir au sein d’un brasier incandescent ! Mon cœur battait la chamade, je transpirais à grosses gouttes ! J’étais en état de choc. Mon père courait derrière moi, j’entendais son souffle haletant ; j’étais plus rapide que lui ; j’ai sauté in extremis dans le wagon de queue, au moment où le train démarrait…

Je me revois…

La porte se referme. Le train roule. Je m’accroupis à même le sol, et je pleure, la tête enfouie dans mes mains moites. Tout autour de moi vacille, bascule, se trouble… Impression de glisser sur des ondes ogresses, de m’enliser en elles.

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Á l’arrivée, j’avais séché mes larmes.

J’ai masqué mon désespoir.

Ma mère m’a demandé si tout s’était déroulé à ma convenance ; j’ai dit non et ai fait part de ma volonté de ne plus jamais revoir mon père. Elle n’a pas exigé d’explications mais m’a exaucée. Je n’ai plus jamais eu de contact avec cette personne honnie que je ne parvenais plus à nommer « papa ». Mon père n’a jamais payé la pension alimentaire qu’il était condamné à verser, et n’a plus jamais cherché à avoir de mes nouvelles.

 

Lorsque je revis cette scène, c’est surréaliste ! Trop floue, sans repères objectifs ! Quel fut ce choc à ce point traumatisant ? Qu’avait fait ce monsieur, ou n’avait-il pas fait, durant ma vie à ses côtés ?

Que s’est-il réellement passé pendant mon enfance

pour en arriver à ce point de non-retour ?

Ancre 6 Un pardon

6 – Un pardon au XIIIème siècle

 

Dans l'esprit d'Éléonore de Provence.

 

Je ne peux m’empêcher, bien malgré moi, de me projeter dans l’histoire d’Éléonore de Provence. C’est un appel, comme si un contact avec le passé, aussi lointain soit-il, pouvait me guider vers des pistes de compréhension.

Je me glisse dans l'esprit d’Eléonore de Provence…

Je me laisse happer vers le XIIIème siècle, consentante.

Bizarre impression de me retrouver en un lieu familier, un château, celui de Forcalquier, dont il ne reste que quelques ruines actuellement, si majestueux à son époque glorieuse, proche de Dauphin et de Saint-Maime, de cette belle forêt d’Asson où j’adore me balader. Je trottine dans les sous-bois en quête de fruits rouges délicieux à déguster, faisant fi des conseils de prudence que l’on ne cesse de me prodiguer. Je me sens fière, invincible, intrépide, et, tout en cheminant, je rêve de chevaliers sans peurs et sans reproches, en armures, combattant pour défendre mon honneur, quand je serai grande. J’ai huit ans. Je songe à ma mère, Béatrice de Savoie, sur le point d’accoucher d’un cinquième petit frère ou d'une petite sœur. Je sais que deux garçons, nés avant Marguerite, Sancie, et moi, sont morts peu de temps après leur naissance. J’ai entendu dire que Raimond Bérenger, mon père, déçu, souhaite ardemment que maman, cette fois, mette un garçon au monde, ce qui lui permettrait de perpétuer sa lignée et de préserver ses fiefs et ses territoires. Désir féroce qui le conduit à manifester une indifférence totale vis-à-vis de mes trois sœurs et de moi-même !  Il ne veut plus de filles ! Il nous délaisse, nous évite ! J’en éprouve tant de peine, d’amertume ; un grand sentiment d’injustice étreint mon âme.

​

Puis, me voici de retour au château.

Mes sœurs et moi attendons l’heureux événement.

 

Quelques jours plus tard, une nouvelle petite sœur pointe le bout de son nez. Ce bébé est doté du même prénom que notre mère, Béatrice.

​

Le détachement paternel se confirme. Mon père quitte aussitôt Forcalquier sans daigner jeter un regard sur cette fillette, ni sur son épouse, ni sur nous…  ses trois filles ! Je me sens indignée, rejetée, trahie. Mes yeux pers se troublent et laissent couler quelques larmes vite refoulées et remplacées par d’irrépressibles sentiments de rancune. Les sanglots de ma maman, de mes sœurs, accroissent mon chagrin ; je m’enfuis ; il pleut à verse ; je cours, haletante, jusqu’à la rivière, les yeux à demi clos tellement la pluie est forte et m’aveugle ; je finis par arriver sur les bords de la Laye où nous allons toutes souvent nous rafraichir par les torrides journées d’été ; j’ai froid ; je grelotte ; j’ai la fièvre ; je voudrais disparaître ; j’entends des bruits, on vient me chercher. Je suis choquée, je me sens malade, je m’étouffe, à bout de souffle…

 

...et je me retrouve au XXIème siècle, face à mon oursonne en peluche, stoïque.

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Je me rends compte : cette scène traumatisante de mon enfance, ma fuite consécutive à cette relation désastreuse avec mon père, dont je viens de me souvenir … Eléonore de Provence a fui, elle aussi, face à l’indifférence et à l’abandon de son propre géniteur.

Qu’en déduire ?

 

Je ferme les yeux, je veux savoir, je pense très fort à Eléonore de Provence, j’invoque mon oursonne… Le miracle se reproduit… me revoici propulsée, six mois plus tard, dans la seigneurie de Brignoles où la comtesse Béatrice nous a emmenées, Marguerite, Sancie, le bébé Béatrice et moi.

 

J’attends.

Quoi ?

 

Un événement d’importance est annoncé. Ma digne mère se prépare à accueillir son mari, ce père qui m’a tant blessée. Le retour du guerrier victorieux après de périlleux combats ! Beatrice de Savoie me conduit ainsi que mes sœurs dans la grande salle de réception, s’assoit sur un fauteuil d'apparat au centre d'un tapis rouge et nous aligne à ses côtés. Des claquements de cotte de maille, de heaumes, d’épées, de boucliers, précédent l’entrée en grande pompe de notre père. Raimond Bérenger se dresse, fier, devant nous et s’exclame :

« Que le Seigneur tout puissant qui m’a protégé vous bénisse tous ! »

Je me précipite vers lui, suivie de Marguerite et de Sancie. Surpris, notre papa lâche son heaume et nous serre toutes les trois contre sa poitrine. Puis il va caresser tendrement la joue de la toute petite Beatrice avant d’aller donner un doux baiser à son épouse, et de proclamer avec emphase :

« Ma dame, ma douce amie, vous et nos enfants êtes tout ce que j’aime.

Pardonnez le mal que j’ai pu vous faire et acceptez mes regrets d’avoir égaré mon esprit et de vous avoir négligées.»

 

Je regagne mon monde actuel.

J’ai compris.

Je viens d’assister à un pardon.

Ce genre de pardon que ma thérapeute m’a exhortée à accomplir et dont je n’ai pas encore bien compris le sens ni la portée, qui pourrait se réaliser en accomplissant divers gestes symboliques.

 

Je vais me risquer à petits pas sur cette voie inconnue.

 

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Ancre 7 confidences

7 – Confidences au creux de l'oreille

 

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2 rêves et 1 apparition

 

Moi :

Bonjour Eléonore, ma fidèle oursonne. Puis-je te conter un rêve qui m’obsède ? Me feras-tu part de ce qu’il signifie ?

 

L’oursonne incline la tête en guise d’acquiescement.

 

Moi :

J’en suis heureuse. Je vais enfin entendre le son de ta voix.

 

L’oursonne :

À bas bruit, dans ton esprit, en effet ; je vais vibrer pour toi, en tant qu’incarnation de l’âme de l’enfant que tu étais, puisque tu m’as investie de ce rôle. Je t’écoute.

 

Moi :

Merci. Voici mon rêve.

 

Je m’engage avec prudence sur un pont suspendu, une passerelle très étroite plutôt, traversant un immense gouffre cerné d’une végétation luxuriante. Je marche le plus délicatement possible, un pas après l’autre, sur des planchettes en bois n’inspirant aucune confiance. Àchaque enjambée, tout tremble sous mes jambes flageolantes. Je scrute l’insondable précipice avec appréhension. De la brume masque l’horizon, malicieusement.  Je m’agrippe de mon mieux aux rambardes, en bois également, tout aussi précaires, prenant à peine le temps d’admirer leurs volutes dessinant de fines arabesques. Plus j’avance, plus la voie se rétrécit, plus l’angoisse étreint ma poitrine. Le brouillard ambiant gagne du terrain dans ma direction et occulte l’extrémité du pont. Impossible de voir si mon compagnon, perdu de vue depuis quelques temps, à mon grand regret, m’y attend. Angoisse sourde à l’idée de ne pas réussir à le rejoindre. Vers le milieu du pont, les balustrades commencent à enserrer mon corps jusqu’à l’étouffement. Le passage se referme, inexorablement. Je suis piégée et je n’ai plus qu’à opérer un périlleux demi-tour, désespérée. Sensation oppressante qui déclenche instantanément mon éveil.

 

Comment interprètes-tu ce cauchemar, oursonne ?

 

L’oursonne :

Je dirais… J’y décèle ton inquiétude face à la difficulté d’atteindre des objectifs, de satisfaire des désirs, de trouver des solutions à des questions préoccupantes, d’éviter des écueils, de livrer des combats, de perdre un être aimé. T’es-tu confrontée à d’autres rêves similaires ?

 

Moi :

Oui, une autre nuit, un peu plus tard…

 

Je suis blottie tout contre mon compagnon, dans la mer. Nous sommes ballotés par une forte houle et nous nous cramponnons à une sorte de mur bétonné, gris et sinistre, émergeant de l’eau tumultueuse. Des voix nous supplient de lâcher cette prise, seule capable, à nos yeux, de garantir notre sécurité. La perspective de nager au sein de ces vagues à-demi scélérates est effrayante. Nous ne nous décidons pas. Le réveil en sursaut met un terme à notre frayeur.

 

C’est un rêve du même ordre que le précédent, n’est-ce pas ?

 

L’oursonne :

Tout à fait. Avec une nuance, cependant. Dans ce second songe, ton compagnon et toi êtes ensemble, logés à la même enseigne, contrairement au premier songe, mais, même réunis, vous ne parvenez pas à partir à l’aventure, à affronter d’éventuels changements, à laisser place au futur de manière confiante, à lâcher prise. N’as-tu pas évoqué ce sujet avec la thérapeute dont tu me parles souvent ?

 

Moi :

Si, bien sûr. La nécessité de leurrer un mental trop rigidifié, d’en allécher la force de frappe, pour parvenir à guérir les blessures invalidantes du passé et à laisser se créer en soi d’autres visions de la vie, est une problématique aigüe que nous avons abordée ensemble. Dans le cadre de son approche en bioénergie, ma thérapeute m’a proposé d’accomplir des actes symboliques : écrire des lettres-catharsis à ma famille, à mon moi enfant, y exprimer librement mes émotions générées par les préjudices subis. Une fois rédigées, il m’était conseillé de détruire ces missives, en les brûlant, les déchirant, les jetant, ou en les enfouissant dans la terre… à ma façon, ceci afin d’accomplir un rituel susceptible d’anéantir l’empreinte mémorielle laissée au plus profond de mon subconscient par ces événements traumatiques. Le but ultime de cette action ? Parvenir à pardonner, comme cela s’était passé dans le cas d’Eléonore de Provence. Ce fameux pardon dont je ne saisis toujours pas vraiment le sens profond.

 

L’oursonne :

As-tu écrit ces lettres symboliques ?

 

Moi :

Non. Une intuition m'a découragée. J’ai commencé à écrire à mon père décédé. J’ai fait plusieurs tentatives. Les mots ne convenaient pas, ne traduisaient pas la réalité de mes pensées. Ma thérapeute avait identifié mon père comme principal responsable des échecs douloureux subis dans ma vie, se répétant en boucle, ad aeternam. Ce cycle infernal où tout se rejouait, au son d’une même partition, insupportable ! Mais, au fond, qu’avais-je vraiment à reprocher à mon père ? Le doute s’insinuait en mon esprit. Affirmer que j’avais été victime d’inceste ? Je n’en étais pas sûre. Je n’identifiais pas la vraie cause de ma frayeur lors de ma dernière visite chez lui, que je t’ai déjà racontée. L’amnésie jouait à fond son rôle d’effacement des données. Á l’époque, la pédophilie, le viol, étaient des sujets tabous. Lorsque j’ai tenté d’évoquer cette sombre affaire avec ma mère, je me suis heurtée à son déni ! Je me suis retrouvée plus que jamais incomprise, seule avec mes hantises, trahie. Comme dans mes cauchemars, tout était flou, brumeux… Un brouillard dense masquait la vérité, conservait les secrets de famille ensevelis au fin fond des cerveaux perturbés.

Alors, non, oursonne, je n’ai pas écrit ces lettres.

Je pense brusquement à cette vision qui m’a bouleversée cette nuit, une sorte de réponse énigmatique à toutes ces questions lancinantes que je viens d’évoquer et de chuchoter au creux de ton oreille.

 

Ma vision :

Quelque chose m’a éveillée en sursaut. Devant mes yeux grands ouverts, dans le noir, sont apparus trois signes intrigants, inscrits en lettres noires au milieu de cercles blancs.

Le premier était : e.l

Le second était : T

Le troisième était : 41

 

Qu’est-ce que cela veut dire, oursonne ?

 

L’oursonne :

C’est un message des anges. Tu dois le décrypter.

 

Cherche et tu trouveras.

 

​

8 – La voie des anges

 

​

​

 

Une apparition !

Je ne l’ai pas oubliée.  

Je ne l’oublierai jamais.

Ces lettres et ce nombre, bien lisibles, alignés et centrés chacun dans un cercle noir, distribués tel un message codé, se sont inscrits devant mes yeux pourtant clos, en pleine nuit, tandis que je venais de me réveiller en sursaut.

Un rébus peut-être ?

Une énigme en tous cas.

Il m’arrive assez fréquemment de voir des images se révéler de la même manière, fugacement, juste au seuil de l’endormissement. Des contours de visages, des regards, des silhouettes humaines ou animales, des formes abstraites, des couleurs, des phrases, des mots, des signes et des symboles viennent enjoliver ce passage subtil entre la veille et le sommeil. Ces brèves visions me sont devenues familières. Parfois, je les convoque, et lorsqu’elles daignent se manifester, si prégnantes et en même temps si promptes à disparaître, je tente de les retenir, en vain. Les plus précises s’impriment en mon esprit si puissamment que je ne les oublie plus. Elles méritent alors toute mon attention et m’entrainent sur la piste d’interprétations possibles.

Ce dernier message hermétique m’obsède.

Je dois savoir.

 

e.l - T - 41 ?

Je me lance donc, telle une détective privée, sur la voie ouverte par cet étrange tableau. C’est irrésistible.

 

Qui m’a écrit ?

Que signifient ces cinq caractères ?

Mes sens sont en éveil.

Mon intuition est à l’œuvre.

 

Alors, me reviennent en mémoire ces temps studieux où je m’étais intéressée à la symbolique des nombres, à la numérologie, à l’arithmétique, à la géométrie sacrée et à l’angéologie. Ces connaissances vont m’aider à comprendre ; réflexion faite, voici « leurs » réponses les plus probantes à mon problème.

 

Je me concentre en premier sur ce que l’oursonne m’a déclaré : « C’est un message des anges, cherche et trouve ».

J’en déduis qu’il faut prioritairement suivre la voie des anges, et donc celle des données bibliques, puisque cette formule, « Demandez, et l'on vous donnera ; cherchez, et vous trouverez ; frappez, et l'on vous ouvrira », est prononcée par Matthieu, au chapitre 7 de la Bible.

Également imprégnée de cette devise notoire de Pythagore, "Tout est nombre", de son principe de réduction théosophique permettant de ramener n'importe quel nombre entier naturel à l'un des neuf premiers nombres, de ses tableaux indiquant la correspondance entre les 27 lettres grecques et leur valeur numérique, je vous présente le cheminement de mes déductions.  

 

e.l ?

Ces deux lettres, si on les prononce, font penser à « elle », ou à « aile » … « aile » … Les noms d’ange se terminent souvent par el : Gabriel, Raphael, Daniel, Mikael, etc. Puis-je alors considérer que ce signe « e.l » évoque les consonnes finales du nom de l’émetteur de mon message ?

Quel serait ce nom ?

L’équivalent du nombre 41 ?

 

41 ?

Selon diverses traditions ésotériques, les anges gardiens ont des noms et des nombres répartis en fonction des dates de naissance des êtres qu’ils protègent.

Je cherche.

Je trouve.

41 est l’Ange Hahahel.

Ce nom ne correspond pas à ma période de naissance mais à celle d’une personne dont je suis très proche, un alter ego, dirais-je. Hahahel régit le pouvoir de générer des paroles porteuses de paix, d’octroyer des dons pour guérir.

Je calcule aussi que 41, c’est 4+1= 5.

Ce qui introduit, dans ce décodage particulier, les chiffres 1 et 5. Les symboliques respectives du 4, du 1, et du 5 m’indiquent alors la nécessité de cultiver des pensées positives, de parvenir à percevoir la présence de mes anges gardiens et de solliciter leur aide.

​

Et la lettre T ?

Si je continue mon raisonnement, certains diraient par l’absurde, T serait le message.

Entrons dans le domaine de la symbolique des lettres ; La lettre T (lettre latine) est, entre autres approches, le TAU grec. Sa valeur numérique est 400. Elle représente la croix, et signifie essentiellement la signature de Dieu, la réconciliation des oppositions, l’aboutissement de la quête spirituelle, la rédemption et l’entrée dans un monde de bonheur et de sagesse.

Examinons sa valeur numérique : 400.

Si l’on réduit ce nombre à un chiffre, cela donne :

4+0 = 4.

Le chiffre 4 évoque l’harmonie, la stabilité, les 4 branches de la croix, les 4 éléments… et le 0, la source cachée, la lumière, la transcendance.

Me voici donc placée face à un message m’invitant à me reconnecter aux origines du monde, me signifiant un degré d’évolution important, et me priant de conclure en beauté la démarche thérapeutique suivie, de saluer une apothéose, la guérison de mon âme.

 

Un étrange sentiment de confiance en la vie, en moi, submerge les peurs, les doutes, les inquiétudes. Je me sens secourue, devenue quasiment invincible. Que se passe-t-il ?

 

Guérir mon âme blessée, accomplir mes missions d’âme… Nous avons évoqué cette subtile question avec ma thérapeute. Nos échanges m’ont permis de m’interroger et de mieux me positionner par rapport à toutes ces interrogations essentielles ayant environné mon existence.

 

Réanimer l’âme blessée de mon enfant intérieur …

Je te regarde droit dans les yeux, oursonne Éléonore, et, en l’espace d’un éclair, tu me renvoies l’image de moi, enfant. Des souvenirs affleurent à ma conscience. J’étais une petite fille sage, joyeuse, romantique et crédule, confiante. J’aimais ce que j’apprenais au catéchisme. Cela me faisait rêver. L’esprit dans les nuages, j’y croisais des oiseaux, de douces colombes, et je me promenais au milieu des petits anges amusants, ces jolis « putti », comme on en contemple partout sur les œuvres d’art de la renaissance italienne. J’avais la foi en ce que l’on m’enseignait. Et puis, cet événement difficile à traverser … Le jour de ma première communion … Je priais dévotement dans une aube plissée blanche, monacale … Ma mère en avait repassé scrupuleusement chaque pli … Je ne me souviens plus du drame intervenu malencontreusement ce jour tant attendu : une dispute entre mes parents ? Une maladie ? Un accident, une … Je ne parviens pas à activer ma mémoire. Je ressens seulement, à partir de cet incident, des doutes pernicieux, quant au bien-fondé de ma religion, s’infiltrer sournoisement en mon cœur, et me conduire peu à peu à délaisser les anges, la foi, les pratiques religieuses. Plus tard, durant cette période dite dépressive que j’ai déjà évoquée, j’ai quêté avidement du secours en allant m’asseoir et me recueillir dans la fraicheur et la majesté des églises. Rien. Le silence. Seule avec moi-même et mes hantises. Plus tard, j’ai recommencé à explorer ces champs mystérieux de l’invisible, en me tournant vers l’ésotérisme, la philosophie, la métaphysique. J’y ai capté d’autres formes de réponses et de croyances qui me conviennent aujourd’hui, et  me guident à nouveau sur la voie des Anges.

 

Un ange m’a parlé, m’a guidée.

Le processus se poursuit.

D’autres messages, de temps à autre, m’interpellent durant mes rêves. Ils sont toujours exprimés sous forme de lettres et de nombres. Le chiffre 8, seul ou combiné à d’autres nombres (18, 118, 218, 308) est souvent présent et jalonne mon parcours. Je le retrouve sur des numéros de portes de chambre d’hôtel, sur des codes bancaires ou autres, des mots de passe, des immatriculations de voiture, des billets de transport, dans certains de mes écrits, etc. En recherchant le nom de mon ange gardien et sa correspondance numérique, je découvre qu’il s’agit de Haihaihel classifié numéro 71 et je prends conscience que la réduction de 71 est 7+1 = 8 ! Comme par enchantement, ce chapitre en cours d’écriture, évoquant les anges, porte le numéro 8, et le rendez-vous proche avec ma thérapeute comporte un 8 ! Je me demande : aurions-nous, quelque part au fin fond des mondes cachés, dans un coin secret de l’Univers, une sorte d’immatriculation permettant aux puissances supérieures de nous repérer et de suivre nos parcours terrestres ?

 

Vous, les Anges.

Je prends l’habitude de vous appeler à la rescousse, en moult occasions. Des petits miracles se produisent alors, et j’en suis, à chaque fois, profondément émue. Un jour, par exemple, tandis que j’étais en difficulté pour m’orienter, trouver un taxi, dans une ville inconnue et surpeuplée, j’ai demandé de l’aide à un ange, quel qu’il soit. Je me suis aussitôt sentie guidée dans une direction qui fut la bonne et j’ai été tirée d’affaire. J’ai remercié. En baissant les yeux, sur le bitume gris et sale, au-milieu d’une circulation infernale, une petite plume, immaculée, brillante, faisait frétiller ses barbules tout doucement. Pas d’oiseaux aux alentours. Elle était seule. Je ne l’ai pas ramassée, je tenais à la laisser tranquille, je lui ai juste souri.

 

Vous, les Anges.

J’ai tant aimé contempler les dix statues vous représentant, érigées sur le pont Saint-Ange à Rome, ce magnifique ouvrage d’art reliant les deux rives du Tibre, et menant au château Saint-Ange, sculptées par l’architecte Le Bernin, au XVIème siècle.  Vous brandissiez les instruments de la passion du Christ. Le Christ … Pourquoi  cela me fait-il aussitôt songer à Éléonore de Provence ? Croyait-elle aux anges, était-elle pieuse ?

 

Vous, les Anges.

J’aimerais tellement recevoir une vision de l’un d’entre vous. Si cela arrivait, je saurais alors si vous avez d’aussi sublimes ailes que celles peintes par ces talentueux artistes italiens : Michel-Ange, Léonard de Vinci, Raphaël.

 

L’oursonne me souffle une idée :

Demander à mon ange 71 s’il veut bien m’aider à mieux connaître … mon père, ses origines, sa vie. Ma thérapeute a affirmé que la cause première de mes blessures post-traumatiques venait de mon père, aujourd’hui décédé.  Elle m’a demandé s’il avait eu un frère… si… si…Je ne savais pas. Je m’aperçois aujourd’hui que je ne sais rien de lui, ou alors si j'ai su, j’ai oublié.

L’oursonne insiste :

Effectue une recherche généalogique sur les antécédents familiaux de ton père, et, en parallèle, étudie la vie religieuse de cette Éléonore qui te passionne tant.

 

Tu seras surprise.

​

Ancre 8 voie des anges
La vision de lettres symboliques
Ancre 9 transgenerationnel

9 – Recomposer le passé et en finir avec le drame

 

De la guérison transgénérationnelle.

 

​Mon oursonne m'avait prédit des surprises.

​Ce fut une avalanche de révélations me guidant en ligne droite vers l’inéluctable achèvement de cette histoire !

Voyez par vous-même.

 

Je me lance héroïquement dans l'aventure et part en quête d’informations concernant mon père.

 

La photographie d’une tombe, plus ou moins délaissée dans un vieux cimetière de mon village natal, me montre des noms à demi effacés. Je les déchiffre de mon mieux ; je découvre que ma grand-mère paternelle a mis au monde, non seulement mon père, mais quatre autres enfants dont trois sont décédés très jeunes, respectivement à onze mois, six ans et quatorze ans ; ce frère de quatorze ans mourut alors que mon père n'avait que trois ans. Comme si ce drame n'avait pas suffi à le bouleverser, sa mère, probablement perturbée par la perte de trois de ses enfants, décéda à son tour alors qu'il n'avait que sept ans !

 

Mon cœur se crispe. Des larmes surprennent le coin de mes yeux. Je ressens aussitôt, violemment, la peine qu'a dû éprouver ce petit garçon qui deviendra celui que je recommence à nommer "papa". 

C’est cruel !

Quelle tragédie !

Quelles blessures !

De quoi souffrir de stress post-traumatique durant une éternité !

Alors survient l'impensable : ma perception aiguë du fait incontestable que cet homme avait toutes les raisons légitimes de craindre le retour de tels désastres, et de ne pas savoir, de ne pas pouvoir, les assumer, détruit toute l’animosité à son égard me parasitant depuis si longtemps. J’éprouve de la compassion pour lui. Je saisis enfin ce que signifie la notion de pardon, une signification dont le sens était jusque-là occulté par je ne sais quels filtres manipulateurs. Pardonner, ce n’est ni excuser, ni justifier, mais c’est une explication claire et imparable des motifs ayant pu engendrer des réactions émotionnelles excessives, des comportements inadaptés, provoquant de terribles malentendus, si nuisibles.

Je pardonne.

Ma rancœur se dissipe.

Une prise de conscience salutaire régénère mon âme trop longtemps obscurcie par les doutes et l'ignorance. Je commence à me sentir mieux, plus légère.

Je me demande : à la place de ce père et mari ainsi accablé par les aléas de la vie, comment aurais-je réagi face à la fuite d’un époux enlevant ma fillette, face au rejet affectif de cette fillette que j’aurais voulu retenir à mes côtés, agissant si maladroitement qu’elle n’aurait rien compris et aurait cru que je lui voulais du mal ? Je ne sais pas, mais, vraisemblablement, de la pire des façons.

Tout comme lui !

​​

Suis-je guérie ?

C'est ce que me confirme ma thérapeute.

Elle me propose alors de conforter cet état d'esprit tout neuf en réalisant quelques actes symboliques : entre autres, écrire à mon père, à ma mère, comme s'ils étaient encore en vie, m'envoyer ces lettres et, à leur réception, imaginer les réponses que j'aurais aimé recevoir de leur part.

​

Tandis que je me livre, avec confiance, à ces exercices particuliers, je poursuis mes investigations, poussée par un irrépressible besoin de vérifier ce qui m'arrive.

 

Une intuition, une sorte d’appel, m’exhorte à lire les mémoires que ma mère avait commencé à écrire quelques années avant son décès ; je décode plus que je ne lis ces lignes manuscrites étalées bout à bout, quasiment sans ponctuation, sur des pages de cahier. Des secrets se dévoilent, des révélations m’assaillent et comblent certains pans de sa vie, de la mienne, relégués dans les tréfonds de mon cerveau. Des connexions se rétablissent. Des comparaisons créent de l’évidence. J’en retiens des temps forts, essentiellement ceux qui mettent en lueurs de nombreux malentendus de part et d’autre, des erreurs d’interprétations ayant généré des conflits, de la détresse, des désespoirs infondés, des illusions, des détournements du réel, et la certitude que, quoi qu’il ait pu se passer, ma mère m’a aimée.

Mes doutes s'évanouissent.

C’est à la fois triste et réconfortant.

​

Je poursuis ma quête de vérité.

 

Les divers arbres généalogiques de ma famille font apparaitre d’impressionnantes lignées de personnes ayant exercé ce qu’on appelle des petits métiers, des cordonniers, des boulangers, etc… Je crois voir, en ce défilé de profils professionnels quasi identiques, un interdit de prétendre à des statuts sociaux différents — certains évoqueraient une dette karmique — une explication plausible au fait que l’accès à une reconnaissance de la part de mes pairs face à mes pratiques professionnelles différentes de ces lignées ne fait pas partie, du moins pas encore, des plans de l’univers à mon encontre. 

 

Ce qui me conduit à examiner à nouveau la vie d’Éléonore de Provence, ainsi que l’oursonne me l’a conseillé. Je me laisse glisser sur les ailes de cette destinée séparée de la mienne par huit cents ans d’écart.

 

De nombreux points communs entre la vie d’Éléonore de Provence et la mienne me surprennent et confortent mes intuitions :

 

Des épousailles et des accouchements à un âge précoce ! Avec des maris qui n’avaient pas été véritablement choisis !

Ma mère avait dix-huit ans lorsqu’elle épousa mon père, à contrecœur. Je suis venue au monde onze mois plus tard lorsqu’elle en avait dix-neuf.

 

Éléonore fut mariée, pour raisons d’état, à l’âge bien précoce de treize ans, à Henri III Plantagenêt, roi d'Angleterre, et accoucha du prince Edouard à seize ans.

 

L'infidélité des maris !

Eléonore de Provence, consciente de devoir assurer la descendance de la dynastie, n’hésitait pas à proclamer : « Nous, femmes, sommes là uniquement pour procréer, comme l’indique notre sainte mère l’Eglise. Cela signifie que les maris peuvent, doivent même, chercher le plaisir avec les autres femmes. L’amour pur et chaste que chantent nos troubadours n’est que la dentelle qui cache la luxure. »

 Mon père, des décennies plus tard, devenu le mari de ma mère, continua à fréquenter une autre femme, peut-être la seule qu’il ait vraiment aimée.

 

La sexualité !

Éléonore redoutait l’union charnelle.

 

Ne l’ai-je pas également redoutée, lorsque, bien que subjuguée par l’ivresse de mon premier amour, j’ai refusé toute relation sexuelle avant le mariage, cette si belle cérémonie où je me rêvais heureuse dans ma belle robe en tulle blanc et à longue traine ? Mes rêves de princesse … de prince charmant ! D’un roi ? Perdu il y aurait si longtemps ?

De la même manière qu'Éléonore imaginait, avant de le connaître, que son roi Henry « l’emportait dans ses bras vers une chambre nuptiale pourpre et or, la couvrait de baisers avant de s’endormir à son côté, chastement, comme dans les cansos célébrant la fin’amor. »

 

La forte passion éprouvée pour les chevaux !

Le père d’Éléonore l’emmenait faire de longues chevauchées à travers le pays, lui apprenant même à monter à cru, la rendant aussi forte qu’un garçon.

​

Mes randonnées à cheval par monts par vaux, mon apprentissage du dressage de haute école, mes fiers destriers dont je me suis occupée avec courage et détermination, font partie de mes plus beaux souvenirs.

 

Et puis, des tragédies !

Du côté d’Éléonore comme du mien, des femmes mortes en couches, des décès de bébés, d’enfants très jeunes, de frères, de sœurs, de longues et douloureuses maladies entrainant la mort des maris, la solitude des veuves. Je songe à Éléonore, accablée, toute reine d'Angleterre qu'elle ait été, se retirant du monde et, au cours de l’été 1276, prenant le voile de bénédictine en entrant au couvent d’Amesbury. Elle avait soixante-trois ans. 

​

Le sort qui s’acharne à reproduire les mêmes évènements et modes de vie, génération après génération, va-t-il dévier sa route ?

 

Je ne sais pas.

L’avenir le dira.

 

Je me sens calme et apaisée, plus robuste et aguerrie lorsque la tourmente fait mine de recommencer à souffler ses colères. La culpabilité, la peur, le manque de confiance en moi, tous ces résidus post-traumatiques, ces handicaps au bonheur de vivre, ont perdu leur maligne force de frappe.

 

Cette phrase de Carl Gustav Jung prend tout son sens :

 

« Si l’enfance est importante, ce n’est pas seulement parce que c’est en elle qu’ont pris leur départ certaines mutilations de l’instinct, mais parce que c’est là que se présentent à l’âme enfantine, effrayants ou encourageants, ces rêves ou ces images aux lointaines perspectives qui préparent tout un destin, en même temps que ces pressentiments rétrospectifs qui atteignent bien au-delà de l’expérience enfantine jusqu’à la vie des ancêtres. »

 

Alors, je te contemple, oursonne Éléonore, petit enfant intérieur abandonné sagement sur le coin d’une chaise, en attente de quelqu’un qui saurait t’aider à gérer ta destinée.

Oursonne, tu revis, si puissante en mon esprit, sauvée, régénérée, prête à reprendre cet élan, coupé et livré aux forces obscures il y a longtemps.

 Je t’observe ; tu as jeté ton habit de peluche à tous les vents contraires, tu es belle, grande, rayonnante de toi-même, tu sembles m’attendre, m’inviter à te retrouver là où l’univers déploie ses splendeurs.

Oursonne, je te rejoins en ce rêve de toujours, celui d’une princesse qui a enfin retrouvé son prince charmant et le bonheur de vivre, tout simplement.

Je suis Éléonore.

​

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